Le Poète et ses démons

Le Poète et ses démons

Cette série se compose de 8 peintures, dans deux formats différents, 195×114 et 100×100. Elle met en situation Le Penseur d’Auguste Rodin (1840-1917) dans une perspective plastique, historique et littéraire.

A l’origine, cette sculpture s’appelait Le Poète et se situait en haut de la Porte de l’enfer. Rodin avait représenté Dante Alighieri (1265-1321) en train de méditer sur son poème épique La Divine Comédie.

Dans ce texte fondateur, Lucifer (l’ange de lumière) se révolte contre Dieu qui l’expulse du paradis en le projetant sur la terre. La conception géographique Dantesque partage le globe en deux hémisphères, l’un constitué de terres émergées et l’autre entièrement recouvert par les eaux. C’est la matière rétractée par le choc entre l’ange déchu et la terre qui forma la montagne du Purgatoire du côté submergé.

Selon la doctrine de l’église catholique romaine, le Purgatoire est un lieu de purification où les défunts, morts en état de grâce et assurés du Salut éternel vont expier les pêchés dont ils n’ont pas fait une pénitence suffisante avant leur trépas.

Rodin avait installé son personnage en haut de la Porte de l’enfer, je l’ai placé sur un iceberg à la dérive. J’établis de cette manière un parallèle entre la pensée mystique qui a imaginé le Purgatoire et la fonte des glaciers, liée au réchauffement climatique, qui est un problème réel du monde contemporain.

Les poissons des abysses étaient présents à l’époque préhistorique et seront probablement encore là bien après la disparition de l’Homme. Quelles leçons devons-nous tirer de cette longévité ?

La nudité du Poète traduit l’universalité de la pensée, mais aussi sa vulnérabilité face aux éléments déchaînés. Nous sommes à la croisée des chemins, une pause nourrit de réflexions s’impose ! La posture méditative du Poète symbolise cette nécessité. C’est l’esprit de la force vitale, seule capable d’offrir à l’Homme la perspective d’une rédemption.

Le blanc et le noir, le haut et le bas peuvent se rejoindre grâce à la couleur. C’est elle qui sublime les oppositions stériles. Elle est un espoir de métamorphose et de transmutation. Les grands formats de cette série sont trichromatiques ; les petits, bichromatiques. La couleur est l’âme du travail fini.

Les différents plans et l’échelle ne sont volontairement pas respectés. C’était le cas de la peinture au XIIIème siècle, époque à laquelle écrivait Dante Alighieri (avant l’application des règles de la perspective). La peinture est un art libre de toute contrainte.

Cela crée paradoxalement une sorte de trompe l’œil puisque les parties haute et basse de la peinture sont autonomes du point de vue de l’échelle. Cela ne gêne cependant pas la lecture de l’ensemble du fait que les éléments constitutifs sont placés sur un seul et même plan.
Le déséquilibre provoqué est modéré par le soin apporté aux détails de l’iceberg, du personnage et des poissons.
La construction est en deux dimensions, les éléments de la composition en trois. Cela provoque un certain trouble chez le regardeur. C’est le principe d’Attraction/répulsion.

Avec cette série, je traduis le sentiment d’un état incertain qui m’oblige à réfléchir sur mon passé, mon présent et mon avenir. L’Homme doit apprendre à vivre avec ses démons et les affronter s’il veut leur survivre.